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Ingrid Raven, ''d'auteur inconnu''

15 octobre 2019

Extrait de "Locke" (1994 et autres petites nouvelles)

"À côté de lui et sous son parapluie de bonne facture il y avait la belle fille qu'elle avait décidé d'appeler Zoé. Elle ne s'appelait sans doute pas Zoé, mais cela lui importait peu. Zoé, ça lui allait bien, collait à sa figure svelte, à ses longs cheveux châtains et lisses, toujours entretenus avec soin, qu'elle rejetait dans un mouvement fluide, ses grands yeux bleu profond ourlés de magnifiques cils qu'elle devait sans doute courber avec un de ces machins de torture qu'on peignait en rose pour mieux les vendre - parce que sinon ça faisait trop peur. Elle avait toujours des habits en matières fluides et brillantes, sans doute de la soie, du cachemire, des choses qui coûtent bien trop cher pour qu'elle puisse en avoir, elle. La belle Zoé, élégante et gracile, s'avançait d'un pas triomphant mais pressé. Et le grand Paul qui marche à ses côtés, tente de faire son intéressant alors qu'il a l'air con comme une poêle à frire. Non, en fait, si elle avait voulu un homme parfait, Zoé aurait dû miser sur le fameux Nathanaël plongé dans le gris du ciel. Il avait un nez court et tombant, trompant de possibles origines italiennes, d'où le roux, ou plutôt blond vénitien. Ses yeux étaient noirs, très noirs même, mais avaient sans aucun doute une belle teinte chocolat sous les rayons du soleil qu'il devait pouvoir regarder droit dans les yeux. Le pauvre Nath' était malhabile, mais elle aimait ça. Zoé aurait dû aimer ça mais être en littéraire ne veut pas forcément dire, semble-t-il, être ouvert aux beautés du monde. À ses yeux, lui était magnifique. Personne n'aimait les roux dans sa famille ; elle était la première à trouver du charme aux flammes sur la tête de cet homme tout juste entré dans la fleur de l'âge.

Une grosse goutte dévala le verre de la fenêtre et lui barra la vue sur Nathanaël qui tendait la main pour mieux sentir qu'il lui pleuvait effectivement sur la figure, la mine un peu abattue. Elle était sûre que lui, Nathanaël, ne devait pas être insensible au charme distingué de la belle Zoé."

 

(extrait de 1994 et autres petites nouvelles, proposé à l'édition)

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14 octobre 2019

Connasse

" Je suis la hargne, je suis celle qui te pète tes dents toutes neuves, qui t'explose le bras à la machette; je suis la colère sourde, la violence puissante, je suis la Connasse. Là, tout de suite j'ai envie de hurler, de crier, de me tuer aussi. La connasse quand elle a contracté une maladie dans sa tête rêve de se foutre en l'air ou de s'envoyer en l'air. Dans les deux cas, elle ne cherche pas tellement à vivre quelque chose d'exaltant, nan, elle n'a plus le temps pour ça. Elle rêve du chaos, elle rêve de voir tous ces gens avec elle crever dans un incendie. La connasse que je suis se voit se tailler les veines, se gaver d'anxiolytiques, se voit mettre fin à ses jours juste pour bien faire chier tout le monde et que les gens aient du remors, pensent à leurs conneries passées, leurs petits secrets débiles et leurs mensonges à deux balles qui valent à peine une taillade sur mes veines croûteuses et dégueulasses. Elle voudrait bien sinon la connasse détruire le couple qu'elle déteste. Elle voudrait bien tuer l'un et défoncer la boîte crânienne de l'autre avec une chaise, un tabouret, une bouteille de champ'. Elle voudrait bien que ces gens dans le bus arrêtent de parler, de rire, le monde entier lui en veut et elle en veut au monde entier. Ça tourne dans sa tête, la connasse se met à boire, à boire beaucoup et c'est là qu'elle voit les vérités, celles qu'elle n'aime pas voir. C'est là que je les vois, tout le monde se paie ta poire, ma pauvre. Les gens te haïssent et n'aiment que lorque tu leur rends menus services, n'importe lesquels. Tu leur sers juste à déverser, dans l'ordre d'importance : leurs peurs dans un vase communicant/leur haine envers Machin-Chouette en toute sécurité/leur manque de confiance dans tes veines/éventuellement leurs fluides corporels, quand ils y arrivent.

Quelques personnes sont protégées de la rage de la connasse en moi. Ma mère, ma soeur, mon frère, quelques amies. Tous les autres y ont droit, de l'ex un peu fuyant au gros con qui m'a brisé les genoux, et même en parlant de genoux jusque les haies qui m'empêchaient d'être bonne en sport, ces sales pouffiasses avec leurs grandes jambes élancées. La Connasse rêve de s'asseoir sur un trône qui serait fait des autres, tous les autres qui ont marché sur sa gueule avec ou sans ménagement. Les pires sont ceux qui tentent de la ménager – là, la connasse en moi devient sans pitié, rêve de leur rayer le pare-choc ou la figure, rêve de leur enfoncer des clous dans les orbites. Rêve de la violence hurlante dans la télé mais surtout dans son âme. Elle sent, elle sent au profond d'elle que ça boue sans jamais s'arrêter, qu'elle va se mettre à distribuer des pains à la volée dans la rue et y'a rien de bien chrétien là-dedans, elle va acheter un poing américain et va attendre ce moment où elle a l'air inoffensive pour péter des mâchoires, exploser des nez, faire une chirurgie plastique maison à ceux qui lui retourne la bile.

Moi quand je suis une Connasse, je suis une connasse du cœur. Je suis celle qui a été un animal blessé, mais qui se relève. Tu vois Bambi quand sa mère meurt tuée par le chasseur, hein, tu le vois très bien. Et ben, moi, je suis Bambi après dans ces cas-là, Bambi ze revanche. Bambi qui se sert de ses bois pour retourner l'automobile tel un superhéros et l'envoyer valser à des kilomètres – rien à foutre des passagers, Bambi s'en cogne, Bambi a été un peu trop floué pour s'en battre ne serait-ce qu'une seule couille; c'est dire le point auquel Bambi s'en bat les glandards. Non, Bambi est devenu mauvais, Bambi a la rage : vite, qu'on appelle les pompiers, les flics, les soigneurs du zoo de Vincennes et tout le reste. Connasse-Bambi a décidé que le monde allait en chier pour lui en avoir collé des kilos de bouse dans les dents. Sur la face, en fait, partout. Partout cette odeur de vache, de campagnarde, de bouseuse parce que la vie n'a pas eu envie de m'offrir le luxe de péter dans les coussins en soie.

La connasse chez certains et certaines, c'est cette force brute, l'envie de prendre une allumette et de foutre le feu, de rouler sur des passants quand plus rien ne va, de prendre une paire de ciseaux et de s'acharner jusqu'à ce qu'il ne reste que de la bouillie de la trachée de n'importe qui qui a aura juste eu la malchance de la croiser. Je suis comme ça, un ange qui rêve de tomber aux Enfers à force de pêcher, de penser à mal, un autre foutu, foutraque, un ange qui devrait pourir avec ses ailes boursoufflées sur le rebord de la route. Abandonné, il va se venger. Défoncer la jungle équatoriale à coup de quenottes, exploser les os, les chairs. D'une manière ou d'une autre, la connasse est aussi une sale pute lubrique qui voudrait recoudre son coeur blessé et se la jouer Frankenstein avec les morceaux de coeur des autres, à se la jouer indienne avec les scalps ou plutôt les palpitants de ses ennemis ; par ailleurs, les indiens bouffaient pour certains les coeurs de leurs ennemis. Je rêve de faire pareil quand je suis connasse, arracher des coeurs et les écraser, m'en faire un trône de fer dont personne ne pourra me délivrer et me dégager tout à la fois. La Connasse rêve de s'en faire une parrure, que le sang coule à flot sous ses pas comme pour témoigner des corps et des âmes qu'elle a brisé. Elle se voit comme ça, la Connasse, comme une reine impitoyable qui règne sur ses sujets fascinés et morts de peur tout à la fois, elle se voit comme une Cruella, comme une vilaine de film, qui caresse un chat et ricane en reposant sur une masse infâme des cadavres de ceux qu'elle a pété en petits morceaux sur son chemin – ceux qui ont osé se dire qu'ils allaient pouvoir la dresser. Personne ne peut tout à fait dresser une Connasse, et il y en a une dans les tripes de chacun d'entre nous, même les plus doux ; il n'y a guère que les agneaux pour ne pas avoir cette voix intérieure qui vous dit de détruire des vitres, rayer des voitures, redevenir le jaguar primordial et violent que vous êtes, dans le fond.

Et il veut hurler à la mort quand il voit comme on le bride tous les jours, ce jaguar.

La Connasse, c'est précisement le jaguar dont elle aime se parer, porter son motif comme dire qu'elle mord. Quitte à avoir l'air d'une pouf.

Elle est bien pire que ça. "

 

(extrait de La Séparation, disponible sur Amazon version papier et Kindle Ebook)

14 octobre 2019

La chauve-souris

" Moi, je restai pétrifiée. J’aimais bien et j’aime toujours bien les chauves-souris, ces bêtes dont les femmes ont aussi peur que des rats. Qui ne voient rien, ne se situent que par leur ouïe, moi et elles on a un peu de ça en commun, je fais plus confiance à mes oreilles qu’à ma vue. Ces bêtes que les autres massacrent parce qu’elles ont un corps poilu et des grandes oreilles, des petits crochets pour s’attacher au monde et des envies de se lever la nuit. J’aurais pu appeler cet ouvrage « La chauve-souris », mais c’est mignon et moins lourd, dans mon cas mon trouble est trop lourd pour que je l’appelle juste comme ça, c’est beaucoup trop inoffensif et tendre, une chauve-souris.

Alors pourquoi la caillasser, la tabasser, pourquoi tuer cette pauvre bête ?

Je me rappelle comme si c’était hier d’être allé vers elle quand son petit corps chaud rendait ses derniers souffles, quand il avait fini. Je n’avais pas quitté mon poste, dans mon trou de terre, quand il avait attaqué. Je me rappelle avoir glissé ma main sous le petit corps poisseux, les poils doux tâché d’un sang horrible, avoir senti quelques pulsations mourir dans ma paume. Je me rappelle m’être levée avec le petit corps en offrande, les yeux humides et honteux d’être humides aussi, la peur que C. ne vienne me revoir, ne vienne me jeter des cailloux à moi aussi, la peur qu’on vienne m’arracher le petit corps mourant des mains pour le profaner.

Je me rappelle avoir pleuré pour nous deux en même temps, elle est moi on était pareilles, pas aimées des autres, moquées, on avait rien fait pour ça. Je vivais dans mon trou de terre et au creux des feuilles d’automne soufflées par les aérations du bâtiment. Elle vivait paisiblement derrière son tuyau, cachées. Et ce petit crétin avait été la chercher, lui avait retiré sa vie. Et ces petits idiots qui me bousculaient comme ils pouvaient jeter des cailloux aux chats noirs, comme ils pouvaient tuer une bête innocente, ces sales mioches refluant la morve qui se prenaient pour des dieux, qui ne comprenaient rien au néant qu’ils infligeaient à la petite créature timide qui n’avait rien demandé.

Ces connards feraient la même à moi et à mon ourson si on étaient pas dans une cour de récréation et que leur attention n’était pas aussi intense qu’elle est courte. Bande de sales petits cons cruels qui pavanez en gros poulains que vous êtes à encore téter vos juments.

Je me rappelle des rires qu’il y a eu tandis que je passai devant les autres, je m’en rappelle comme si c’était hier. Je me rappelle avoir posé son corps un peu plus loin, dans l’herbe haute. Je me rappelle m’être dit que je voudrais bien m’enterrer avec elle. L’ourson a posé une patte sur mon épaule et j’ai tout lâché : le petit corps meurtri, les larmes, tout est sorti de moi d’une traite. Sa petite tête fracassée par les autres me faisait miroir. Moi et mon ourson on se faisait fracasser tout pareil, par des rustres, des cuistres abrutis par la télé qui ne savaient pas lire, qui ne comprenaient pas la profondeur des choses, pour eux la mort c’est une blague, un tourment qu’on inflige comme on perd sa première dent de lait et puis c’est pas grave, ça n’arrive qu’aux autres, ça, la mort, ça ne tombe jamais sur vous, jamais sur votre famille, le cancer savent pas ce que c’est ces gosses-là rendus débiles par des émissions connes où on apprend à peine un mot d’anglais et pas foutus de le dire ces cons-là, un accent terrible, laid, un truc qui vous donne des frissons alors à quoi bon faire les rois du monde si t’es pas foutu de dire « hello » avec un h aspiré sale petit croûteux, sauf pour les Favier parce que eux c’est dans leur sang, eux c’est ceux qui ont le savoir de l’anglais et donc le savoir tout court, ces gens que je trouvais alors éclatants , pétillants de beauté et de force parce que leur mère venait de loin, des vertes contrées irlandaises où les gosses ne tuent pas les chauves-souris en les tabassant à coup de cailloux. Pas dans ma tête de gamine.

Aujourd’hui je sais que partout autant qu’ailleurs il y a de ces petits cons qui tabassent les chauves-souris et cherchent des noises aux apprentis oursiers. " 

( extrait de L'Ours, texte en cours d'écriture). 

12 octobre 2019

Ballade à mon ASUS

[texte introductif de L'Ours, autofiction-biographique pas si fiction en cours]

 

Asus, le 14 Janvier 2019 :

Bonjour ou bonsoir!

Je vais faire un petit rappel pour ceux qui n’ont pas encore la chance (haha, je suis drôle!) de me connaître et qui un jour pensent éventuellement vouloir me connaître. Sait-on jamais.

Alors oui, je ne retiens pas les dates en tout genre. Oui aussi je suis incapable de me situer dans le temps et il faut que je tchecke mon agenda pour savoir le jour qu’on est(ou l’ordinateur, c’est plus discret). Oui, je ne retiens les anniversaires, les naissances, les décès que de peu de personnes.

Et oui j’ai du mal à comprendre des fois qu’on fasse un trait d’humour et je le prends bêtement au sérieux.

Et oui je ne comprends pas toujours les intentions des gens.

Et oui je fais des bruits bizarres des fois avec ma bouche.

Et oui quand je croise quelqu’un j’ai tendance à regarder le sol avant de le regarder.

Et oui je ne suis pas parfaite.

Et oui je me pense mauvaise et que je n’ai aucun intérêt.

 

Et oui je suis tout à la fois, incapable de vous comprendre, de me comprendre. Mais qu’est-ce que j’y peux? J’y ai travaillé nuit et jour, j’ai essayé du mieux que je pouvais, j’ai tenu des cahiers que j’ai oublié, oui parce que j’oublie tout, tout sans exception et ma tête c’est un gruyère plein de trous en tout genre et de peu de surface lisse! Et oui je suis née comme ça, enfin, je le crois, et j’ai été comme ça d’aussi loin que je me souvienne. Oui, je ne connais pas les dates d’anniversaire de mes meilleurs amis, oui, je ne connais même pas celles de mes exs par coeur et je suis une pauvre idiote qui ne retient et n’imprime presque rien!

Mais c’est moi. Quoi que ce soit, ou non, c’est moi. Je n’y peux rien changer et seul le temps me l’a appris. Alors vous imaginez, vous imaginez le nombre de gens, de personnes que j’ai perdu à oublier des choses cruciales et de conflits que cela m’a créé, de situations ridicules dans lesquelles cela m’a menée…

 

Oui je ne sais pas ce que c’est mais c’est mon fléau, oui je ne sais pas ce que j’ai mais je suis étrange (et pas la peine de me le faire sentir dans vos regards mauvais), je suis comme ça. Depuis toujours je suis comme ça, bizarre, mal élevée à venir parmi les mots des autres sans qu’on m’y ai invitée. Oui j’ai du mal avec ce qui est le pourquoi du comment, et l’appliquer quand il n’a d’autre raison que le ‘parce que’. Oui il me faut des raisons pour tout. 

Pouet.

 

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Ingrid Raven, ''d'auteur inconnu''
  • Hellow la blogo', ce petit blog sans prétentions est celui d'une auteure inconnue (ma tête passe encore le cadrage de porte) mais qui rêve les yeux grands ouverts, du jour où elle se sentira romancière pour de vrai.
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